Samedi 20 Août 2011
Il est 11h00 quand nous arrivons au Gymnase des Droits de l’Homme pour la vérification des vélos. Nous croisons Arnaud, qui vient lui aussi pour le contrôle. Aucun problème pour nous, nous passons sans encombre. Direction le terrain de football pour déposer nos vélos, le temps d’aller chercher nos cartes de route, plaques de cadre, puce et médailles de Super Randonneur. Le temps d’arriver à la table où nous sont distribués les documents, nous croisons Jean-Michel Richefort avec qui nous discutons. Papa revoit d’autres amis de province et des clubs de la région, avec qui il a partagé d’autres PBP et BRM. Pas facile de le faire rentrer à la maison. Lorsque je vais prendre mon maillot et ma veste de haute visibilité, il est environ 12h15. Un quart d’heure plus tard, les formalités de départ sont terminées, nous rentrons à la maison finir nos derniers préparatifs.
Dimanche 21 Août 2011
Jour du départ. Réveil un peu difficile, car j’ai un léger mal de tête. Je descends me préparer sur les coups de 10h00. Un café, une douche et je (re)vérifie mes affaires avant le départ. Midi, nous mettons les vélos ainsi que tout notre attirail (nourriture, trousse de secours, etc.…), dans la camionnette qui nous assistera durant les 1230kms qui nous attendent.
Nous commençons ensuite à déjeuner, pâtes et viande blanche. Le stress commence à monter, il n’est que 13h00. Avec papa, nous commençons à enfiler les couleurs du VCMB, et après une ultime vérification, nous partons pour le gymnase. Nous arrivons sur le lieu de rendez-vous à 14h15, et, déjà, 500 cyclos attendent l’ouverture des grilles, prévue a 14h30. Une heure plus tard, les premiers commencent à faire tamponner leur carte de route, et rejoignent le rond point des Saules. C’est maintenant notre tour, il est 15h45.
C’est le grand jour. Nous voulons faire NOTRE PBP. Nous attendons maintenant le départ, la température est de 36 degrés. Déjà 16h00, plus d’une heure que nous attendons sous un soleil de plomb. Heureusement, nous avons prévu des bouteilles d’eau, certaines contenant du Malto Antioxydant. Il est 16h10 quand une première vague de 450 cyclos franchit la ligne de départ du 17ème Paris Brest Paris. Cela nous permet d’avancer de quelques mètres jusqu’au départ que nous attendons depuis maintenant deux heures. Sur la ligne de départ Yan Pasco vient nous interviewer pour le journal de Montigny. Très sympa, mais notre esprit est ailleurs et il s’en rend très bien compte.
Nous partons a 16h25, après un discours (qui me paraît interminable) du speaker et des représentants de la CASQY. Après seulement quelques mètres, j’aperçois Bérengère, Emilie et ma famille, qui nous crient leurs encouragements. L’émotion me gagne, mais je reprends vite le dessus, nous ne sommes qu’au début de l’aventure. Avec papa, on suit le groupe, l’allure est rapide (35km/h). La sortie de Saint Quentin se fait sans problème.
Paris => Brest
Saint Quentin – Mortagne au Perche (140km, moyenne : 30km/h).
Première frayeur en forêt, entre Monfort et Gambais. Un cyclo situé juste devant moi remonte le peloton par la gauche, et manque de peu un face à face avec un camion. Nous sommes à 42 km/h. A la sortie de Gambais, le vent se fait sentir et les bordures s’organisent. J’essaie de protéger Papa pour que nous puissions rester dans le peloton.
Jean Pierre Chaussade et son fils Adrien (avec qui j’ai débuté au VCMB), nous accompagnent durant quelques kilomètres. Avant de nous quitter, ils nous encouragent encore une fois pour la suite du parcours. Le peloton continue de rouler à vive allure, et Papa me conseille de lever le pied, car avec la chaleur « nous allons nous asphyxier ». Vieux souvenir d’un Bordeaux –Paris en tandem avec Maman. Sagement, nous laissons donc partir le groupe.
Vers 18h00, le vent est favorable et nous formons un groupe d’une quarantaine d’unités qui avance à 32km/h. Il éclatera dans la cote de Longny au Perche. Peu avant Mortagne, Papa me fait part de ses crampes dues à la chaleur. Elles se réveilleront de temps en temps jusqu’à Carhaix. Nous arrivons au contrôle à 21h05. Le physique et le moral sont au beau fixe, la météo est avec nous. Moins de cinq minutes d’arrêt, juste le temps de changer les bidons (Malto, Hidryxir), quelques barres et une lampe frontale. La nervosité se calme et nous reprenons la route un peu plus sereinement. La chance et la lucidité nous ont permis d’échapper aux éventuelles chutes de l’euphorie du départ.
Mortagne au Perche – Villaines la Juhel (81km, moyenne : 26,27km/h)
La nuit tombe, et notre allure semble plaire à quelques uns. Durant toute l’étape, nous ferons l’effort, tandis que les cyclos qui nous ont rejoints profiteront de nos roues.
Nous arrivons à Villaines à 00h15, et nous nous accordons 10 minutes de pause, afin de nous ravitailler. Au menu, compote de pomme, jambon, café et un Rénutryl. Une bise à la famille domiciliée en Mayenne, et il est déjà temps de repartir.
Villaines la Juhel – Fougères (89km, moyenne : 26,04km/h)
Le moral et les jambes sont toujours là. Nous retrouvons l’un des suiveurs de l’étape précédente, qui continue de se laisser porter. Le pointage se fait à 3h49. Nous sommes enfin libéré du stress et savourons notre « balade » nocturne.
Fougères – Tinténiac (54km, moyenne : 24,92 km/h)
R.A.S sur cette étape, nous roulons seuls avec papa, à notre rythme et sans forcer. Il reste encore 900km quand nous arrivons à 6h10.
Tinténiac – Loudéac (85km, moyenne : 22,37km/h)
Tout se passe pour le mieux jusqu’à l’arrivée au contrôle secret. Nous pointons, et un mal de ventre me contraint à aller aux toilettes. J’annonce à Papa que j’ai attrapé un coup de froid. Erreur de notre part, nous aurions dû appeler notre assistance pour qu’elle achète les médicaments. Nous reprenons la route, je serre les fesses jusqu’à Loudéac.
Nous arrivons (enfin !), au point de contrôle, et je demande à Maman d’aller à la pharmacie. Pendant le ravitaillement, Papa m’annonce que l’objectif des soixante heures est compromis. Pour moi, l’important, c’est de terminer, peu importe le temps. Je garde tout de même l’objectif en tête, car un gain de temps est toujours possible sur le retour, si l’aller jusqu’à Brest est fait sans une grosse dépense d’énergie.
Loudéac – Carhaix (76km, moyenne : 22,35km/h)
Mes soucis intestinaux se font de plus en plus ressentir, mais je fais un gros effort pour ne pas m’arrêter. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps. C’est la « chienlit » ! Cependant, à 40 km de Carhaix, je n’en peux plus ! Il faut trouver un champ au plus vite.
Premier souvenir impérissable de mon 1er PBP : un champ de maïs. Je me soulage, mais une fois la commission finie, ni papier toilette, ni Kleenex. Seules solutions, les feuilles de maïs (sans succès), puis l’herbe. Papa se paye un fou rire et pense déjà que ça va faire parti de nos souvenirs. Après cette anecdote d’une dizaine de minutes, nous repartons. Arrivée à Carhaix à 14h04, Maman me donne du Smecta et de l’Immodium. Ce midi, c’est pâtes, carottes râpées, café, cake salé pour 29 minutes d’arrêt.
Carhaix – Brest (93km, moyenne : 23,25km/h)
Les médicaments font effet, et le moral est revenu. Papa me prévient que cette étape est difficile, la montée vers Roc Trévezel est longue. Au sommet, Jean-Yves Rohou et la « p’tite Danielle » nous attendent pour effectuer une partie de la descente vers Brest. Quel plaisir de les retrouver ! Puis nous croisons Gilles Dusson, qui remonte vers Paris. Il compte quatre heures d’avance sur nous.
La première partie du voyage s’achève à 18h38. Nous avons rattrapé le temps perdu, et même plus puisque nous comptons 1h30 d’avance sur notre programme. Nous sommes gonflés à bloc pour le trajet du retour.
Brest => Paris
Brest – Carhaix (85km, moyenne : 19,77km/h)
La sortie de Brest nous paraît longue, la nuit tombe doucement et nous franchissons, à notre grand étonnement, facilement Roc Trévezel. La route vers Paris est dangereuse, les camions passent à quelques centimètres de nous. Nous croisons la route de deux VCMBistes : Eric et Arnaud. Au contrôle de Carhaix, il est 23h25. Une pause dodo est prévue au road book. La pluie commence à tomber. Se pose alors la question : continuer ou dormir ? Ni l ‘un, ni l’autre n’avons sommeil. Après un petit tour sur le site de Météo France, nous décidons de poursuivre. Sans le vouloir, nous faisons une très bonne opération.
Carhaix – Loudéac (79km, moyenne 16,81km/h)
La pluie recouvre la chaussée, des éclairs envahissent le ciel, et le froid se fait sentir. Pas un mot si ce n’est d’échanger, de temps à autre, notre avis sur ce magnifique feux d’artifice : est-ce bien raisonnable de pédaler sous ce danger qui nous guette ? C’est aussi l’occasion de nous rassurer sur notre état de fraîcheur, physique bien sur. Le moral est à zéro, sur le chemin qui nous mène au ravitaillement. Nous avons le sentiment de perdre beaucoup de temps mais qu’importe, nous sommes tous les deux face à notre défit.
Nous rêvons de soupes chinoises bien chaudes tout au long de la route. Il est 4h42 quand nous arrivons au contrôle. Le temps gagné plus tôt est perdu, mais tant pis. Une sieste de 20 minutes, un repas chaud, des vêtements secs et des sacs poubelle dans les chaussures nous redonne des forces pour repartir. Ce sera notre plus longue pause : 1h08.
Loudéac – Tinténiac (85km, moyenne : 22,56km/h)
La pluie a cessé, le moral et les jambes sont toujours là. Nous avons toujours le sourire quand nos regards se croisent. Seuls mes dérailleurs sont déréglés, espérons que ça tienne jusqu’au bout.
Tinténiac – Fougères (54km, moyenne : 24,54km/h)
Le rythme a repris, l’étape se fait à la même vitesse qu’à l’aller, c’est bon signe. Nous roulons avec Richard Léon, et des questions sur ma forme physique sont posées, « tout va bien, mais les kilomètres commencent à se faire sentir » lui dis-je. Ca l’amuse, lui a mal depuis 900 kilomètres. La route se déroule sans encombre, et nous arrivons à Fougères pour midi. Notre pause durera 21 minutes.
Fougères – Villaines la Juhel (88km, moyenne : 21,37km/h)
Une étape sans encombre, le soleil fait son grand retour. A Ambrières les Vallées, une petite surprise nous attend, mon cousin Olivier est venu nous encourager sur le bord de la route. Quelques kilomètres plus loin, à Loupfougères, ce sont les oncles, tantes et cousines que l’on salue.
A 16h30, nous arrivons à Villaines, et le speaker vient me voir pour me demander mon âge. Un petit groupe de jeunes nous demande s’il n’y aurait pas quelques produits dopants dans nos bidons, Papa répond avec humour : « bien sûr ! Sinon nous n’y arriverions pas ! ». Quelques minutes après, Richard Léon arrive et nous dit : « vous roulez fort, depuis Fougères on n’arrive pas à vous rattraper ». Cette phrase a un effet magique, elle me booste ! Après 17mn d’arrêt, nous repartons.
Villaines la Juhel – Mortagne au Perche (81km, moyenne : 22,71km/h)
Le ciel s’est couvert, et il le restera pour le reste de la journée. Tout va pour le mieux, le sommeil ne se fait pas sentir, et Papa prévoit une arrivée à Dreux sans dormir.
Nous rattrapons un duo qui roule sensiblement à la même allure, nous décidons de rester dans leurs roues, et de prendre quelques relais. Après quelques kilomètres, l’un d’entre eux veut SA PLACE que Papa lui aurait soit disant piquer. Il est furax. Là, on va tout faire pour les larguer.
En haut d’une bosse, un arrêt pipi s’impose. Alors que je me soulage face au champ, mon engin semble impressionner un âne. A peine m’a-t-il vu, qu’il s’est mis à courir vers moi en brayant. Un souvenir peu commun pour un premier PBP.
Nous arrivons au contrôle de Mortagne à 20h24, où nous rencontrons Serge, un ami d’enfance de Papa et Maman. Il nous félicite pour le « sacré numéro » que nous sommes en train de réaliser. Tout en mangeant, Serge nous encourage et subvient à tous nos besoins. Nous repartons, et j’entends Serge crier mon âge dans tout le ravitaillement. Ca m’a redonné du courage, il a su nous regonfler tant par sa générosité que par ses encouragements.
Mortagne au Perche – Dreux (75km, moyenne : 21,13km/h)
Nous savons maintenant qu’il nous reste 7h25 pour effectuer les 140 kilomètres restant, dans l’objectif que nous nous sommes fixés. Les trente derniers kilomètres de faux plat qui nous séparent de Dreux paraissent interminables. La chaussée vient d’être gravillonnée.
Premier pépin, une crevaison. Nous réparons vite, trop vite puisqu’il nous faut changer (une nouvelle fois) la chambre à air deux kilomètres plus loin. Nous ne brillons pas. Il faut trouver l’intrus. Par chance nous le dénichons : un gravillon de même couleur que le pneu. Après son extraction, par précaution, nous plaçons un bout de pneu à l’intérieur pour protéger la chambre à air. Nous espérons ne plus crever car, là, il ne reste plus que les rustines.
A dix kilomètres du contrôle, mon genou commence à me faire souffrir. Nous arrivons à Dreux à 00h18. Une pause de 20 minutes qui fait du bien, un petit repas et un massage au Voltareine pour mon genou. Nous poursuivons avec chacun 3 chambres à air.
Dreux – Saint Quentin (65km, moyenne : 20,86km/h)
La douleur de mon genou ne s’estompe pas, il m’est donc impossible de forcer, et l’allure descend à 16 km/h. Je continue de masser mon genou tout en roulant.
Je regarde ma montre, il est 2h15 et nous sommes à deux kilomètres de Gambais. Papa à sommeil, mais ça ne va pas durer. Je constate (par chance), qu’il ne nous reste plus que 2h pour parcourir 41 km. Je m’empresse de lui en faire part. Réaction immédiate, il s’énerve, râle un peu et prend les commandes. Il double la vitesse en quelques secondes, il faut maintenant rouler à 30km/h. Je serre les dents, le rythme est soutenu. Avec la fatigue et l’excitation de l’arrivée, Pépère a des hallucinations. Il ne reconnaît pas la route de Gambaiseuil, et pense que nous nous sommes trompés. Il voit la route toute blanche, il faut arrêté l’EPO (Eau, Pastis, Olive). Au pied de la cote il reprend ses esprits.
A l’entrée d’Elancourt, un coup d’œil à ma montre pour voir si nous avons gagné un peu de temps, il est 3h20, « c’est bon, on va le faire ! ». Je suis heureux, soulagé. Papa a sa petite pointe de satisfaction d’avoir emmené son fils de 24 ans sous la barre des 60h.
Ca y est, nous voilà au gymnase des Droits de l’Homme, nous faisons le tour du rond point. Une fois arrivé, je me couche sur mon vélo. Tout arrive en même temps, douleur, joie et satisfaction d’avoir terminé mon premier Paris Brest Paris. On me prend mon vélo pour que je puisse aller pointer, il est 3h47. Petite séance photos, accolades, bisous et finalement, le plus important et tout simplement : « Merci Papa ! »
Bilan
Objectif atteint, 1er PBP terminé en 59h22
- Aller à Brest en 26 heures, au lieu de 27h30 prévues initialement
- Améliorer le retour (passer moins de temps aux contrôles), pour conserver l’avance acquise à l’aller
- Toujours penser à garder de l’avance au cas où il y aurait des imprévus
- Aucun problème mécanique
- Aucun problème d’alimentation
- Aucun problème de sommeil
- Petit problème au genou et une unique crevaison
- Après une semaine, mes genoux vont beaucoup mieux
- La chaleur du départ est bien gérée
- Météo favorable (sauf entre Carhaix et Loudéac)
- 54 heures de vélo et 5h22 d’arrêt
Remerciements
Merci :
Maman, Nicole et Michel, qui nous ont fait l’assistance et nous ont soutenus pendant 1230 km.
Marcel, de nous avoir prêté son camion pour l’assistance.
A ma copine, Bérengère, qui m’a soutenu pendant un an, et qui me préparait mes sandwichs à deux heures du matin pendant les qualifications.
Aux VCMBistes présents à notre arrivée à Guyancourt. Super sympa !
Papa, pour m’avoir transmis son expérience de la longue distance et pour avoir su gérer mon effort, mais surtout le sien tout au long du parcours.
Conclusion
Ce premier Paris Brest Paris est (pour l’instant), le moment le plus intense de mon parcours cyclotouristique. Il restera gravé dans ma mémoire comme un bel et grand exploit sportif réalisé en famille.
Nicolas GLINCHE
Note du Maître : Retour sur le PBP 2011 et les précédents